Jako, le lutin du Père
Noël
Au
royaume du Père Noël, les lutins commençaient à s’affairer dans leurs
préparatifs pour la grande fête du 25 décembre. Ce n’était encore que la fin du
mois d’octobre mais, comme le nombre d’enfants sur la terre ne cesse d’augmenter,
il faut commencer tôt à confectionner les cadeaux. Chacun prenait son rang et
entrait à l’usine de jouets lorsque le Père Noël s’aperçut qu’il en manquait
un, le lutin Jako, un lutin bien important pour lui.
Jako
était un lutin très gentil et respectueux, mais il était victime d’intimidation
par des lutins malveillants parce qu’il avait de petites oreilles et non pas
les grandes oreilles pointues habituelles chez les lutins. On se moquait de
lui, on l’appelait « tites oreilles ou
oreillettes ». On disait qu’il avait des oreilles d’humain. Certains lui
tiraient même l’oreille pour la faire grandir. Parfois, il pleurait seul dans
le noir et personne ne venait le consoler.
Voyant sa tristesse, le Père Noël décida de faire comme avec le petit
rêne au nez rouge et de lui donner une responsabilité, un poste important. Le
petit rêne au nez rouge était devenu le chef de file du traîneau; Jako le lutin
deviendrait le chef de la manette qui démarre la machine à jouets.
Mais
voilà, le lutin Jako était parti. Il avait fait une
fugue. Il n’en pouvait plus. Les insultes n’avaient pas cessé quand il avait
pris son poste de chef de la manette l’an passé. Plusieurs lutins lui disaient
des méchancetés en passant devant lui. Il l’avait dit au Père Noël mais celui-ci
ne lui avait pas porté attention, trop occupé à ses prestations dans tous les
centres d’achats. Jako avait donc décidé de faire un
voyage vers le monde des humains, au sud, en suivant une comète.
Jako ne le savait
pas, mais il avait choisi une drôle de moment pour sa fugue, le soir de
l’Halloween. Il se promena dans les rues et rencontra plein d’humains aux
petites oreilles, habillés de toutes sortes d’habits, comme des figurines et
des marionnettes de la machine à jouets du Père Noël. Il rencontra même un
autre lutin, de la même taille que lui, qui lui offrit gentiment la nourriture
préférée des lutins, du chocolat. Il ressentait la joie des humains et personne
ne se moquait de lui.
Au
détour d’une ruelle, Jako rencontra une sorcière,
accompagnée d’un chat noir juché sur son épaule. C’était une vraie sorcière,
sortie incognito en ce froid du 31 octobre, quand tout est permis pour les
êtres obscurs. Jako
s’approcha pour caresser le chat, mais celui-ci se mit à cracher. La sorcière
vit immédiatement qu’il était un vrai lutin et non pas un enfant costumé. Hola! que fais-tu ici, lui demanda-t-elle? Ce n’est pas la
place d’un lutin. Noël c’est dans huit semaines, avec son affreux climat de
bonté et de bienveillance dont les sorcières sont allergiques. Tu t’es évadé du
Pôle Nord? Jako ne savait pas quoi répondre, sauf
qu’il manquait de gentillesse chez lui et il était venu explorer le monde des
humains en quête de bonheur. La sorcière se mit à rire. Les humains ont
beaucoup de difficultés avec le bonheur, dit-elle. Ils le cherchent partout
alors qu’il est en eux. Tu aurais dû rester au Royaume du Père Noël. Comme
punition, pour avoir fui ta place de lutin, je te jette un mauvais sort, dit la
sorcière. Tu ne pourras plus opérer la manette de départ de la machine à
jouets.
Jako prit
peur et décida de retourner dare-dare au Royaume du Père Noël, utilisant une
aurore boréale pour se guider. Quand il vit la lueur du village, il ressentit
une grande chaleur dans sa poitrine, le bonheur de revenir chez soi. Il raconta
son étrange aventure aux autres lutins dans son dortoir. Ils l’écoutaient avec
beaucoup d’attention, fascinés, sans commentaire négatif pour une fois. Jako s’endormit, heureux d’être parmi les siens.
Le
lendemain matin, Jako se rendit à l’usine de jouets
pour partir la machine. Quand il s’approcha de la manette, ses bras devinrent
mous. Il ne pouvait pas les lever. Il ne pouvait pas actionner la manette. Tous
les lutins le regardaient avec appréhension, attendant le signal. Rien. La
machine à jouets demeurait immobile. Jako se rappela
le mauvais sort de la sorcière. Les bras ballants, il alla trouver le Père Noël
et lui raconta toute son histoire. Papa Noël le serra dans ses bras et lui
promit de trouver une solution. Le mois de novembre passa, sombre et mélancolique.
Le premier décembre, le Père Noël convoqua tous les lutins sur la grande place. Il y aura des innovations à l’usine de jouets cette année. Premièrement, les lettres des enfants au Père Noël seront traités par cet ordinateur qui enverra automatiquement les commandes à la machine à jouets. Ce procédé plus rapide nous permettra de remplir nos obligations et de préparer les cadeaux à temps pour Noël. Deuxièmement, la machine ne fabriquera plus de fusils-jouets. Les jeunes humains n’ont pas besoin de jouer à la guerre. Ils ont déjà de vrais guerres sur la terre. S’il n’y avait plus d’armes, il y aurait peut-être la paix.
Jako attendait, tête et bras baissés, les commentaires du Père Noël sur son escapade dans le monde des humains et son incapacité de manipuler la manette magique. Le Père Noël, au contraire, le félicita pour son courage. L’important dit-il, c’est que tu sois revenu sain et sauf. Près du Père Noël, la Fée des étoiles lui faisait de grands sourires. Le bien aura le dessus sur le mal, dit-elle, en le touchant de sa baguette magique. Et Jako retrouva l’utilisation de ses bras et de tous ses pouvoirs de lutin. Sa première réaction fut de serrer dans ses bras le Père Noël, la Fée des étoiles et ses amis lutins.
Dorénavant, dit le Père Noël à l’assemblée des lutins, aucun geste, aucune parole d’intimidation ne sera toléré dans mon Royaume. Celui qui se moquera des petites oreilles de Jako devra porter lui-même des petites oreilles de souris pour toute une journée. Celle qui se moquera des dents croches de sa voisine lutine devra porter des dents de lapins. Tous ensemble, nous formons une grande famille et nous devons nous entraider.
Tout heureux, Jako se rendit bien vite dans l’usine de jouets pour coordonner la fabrication de tous les objets rêvés par ces petits humains rencontrés le soir de l’Halloween. Les lutins se joignirent à lui autour de la machine et se mirent à chanter.
Le petit rêne au nez rouge
Ah comme il était mignon….